Disneyland Paris - Capital du rêve artificiel
Disneyland. Paradis superficiel par excellence. Je n'ai jamais compris pourquoi ce château rose attirait autant de monde. Les gens d'aujourd'hui sont ils achetables à souhait ? On leur dit « vous allez rêver », ils rêvent. Vous allez être heureux, oublier tous vos soucis et vos vies misérables le temps d'un séjour.
Impatiente d'oublier ma vie pas si misérable, j'ai moi-même passé le week-end à Disneyland Paris. En oubliant que j'aie passé deux heures de train en compagnie d'une charmante demoiselle pas très soucieuse d'enlever ses pieds de sous MON siège, en oubliant que j'aie passé une heure à attendre de pouvoir enfin poser mes bagages dans la bagagerie, en oubliant que je veillais depuis 24 heures, bref en imaginant que j'étais de bonne humeur, je n'aurais toujours pas apprécié mon week-end.
J'arrivai donc à 10h du matin, déjà fatiguée et pas très enthousiaste, devant l'entrée du parc -car rappelons-le, ce n'est qu'un parc. Grâce à nos passes, je rentrais rapidement dans l'enceinte, après une fouille des sacs si rapide qu'elle en devenait inutile. Ma première vision n'était pas un grand château rose comme dans la publicité, non je m'attardais plutôt sur les boutiques que t'exhortaient à dépenser dès l'entrée ainsi que sur les mines déconfites et fatiguées des autres clients. Passé ce sas de la tentation, on découvre enfin le misérable château rose bonbon trop propre, qui a même du mal à émerveiller les petites filles. Il se détache du ciel parisien, comprendre du ciel gris, avec l'habilité d'un architecte. Car ce charisme n'est pas dû au hasard, les créateurs ont longtemps étudié la météo avant la création du parc pour choisir la couleur du palais et optimiser son image. Outre ces artifices, le château a l'air sorti tout droit d'un conte dont le créateur n'a pas encore appris les ombres . En effet, le parc tout entier et plus particulièrement ce château manquent cruellement d'ombre. Tout n'est que paillettes dans les yeux, pour mieux vous éborgner.
On ne sais pas quoi faire, tout est trop grand, trop faux. Alors on essaie de se prendre au jeu, on marche, on découvre, on essaie d'être heureux. Moi, j'observe. Comme d'habitude, je préfère regarder les autres plutôt que vraiment agir. Une famille est là, assise sur un rebord, entre une poubelle et un banc. Le père regarde dans le vide, fatigué. La mère regarde dans le vide, fatiguée. La fille regarde les autres, envieuse. Ils ne bougent pas. Pendant un quart d'heure, alors que je me forçais à finir le pire hot dog que j'aie jamais mangé, ils sont restés là, las, déconnectés, comme en proie à une overdose de rêve. Derrière nous, les crissements des attractions. Devant nous, les crissements de leurs âmes. J'ai peur. Mais il est l'heure de repartir, de découvrir de nouvelles aventures dans le bateau pirate. Comme tous les robots qui nous entourent, on entre dans la file. Que dis-je, dans le kilomètre d'impatience, de bruit et d'excitation, en attendant de croiser le regard sombre de l'employé sous-payé qui bosse chez Disney parce qu'il n'a pas le choix, il faut bien manger, et puis il voulait travailler avec les enfants c'est bien Disney quand on veut travailler avec les enfants. Enfin... C'est pas exactement ce qu'il attendait. Bien que ce soit glorifiant de porter un costume vert et rouge et jaune et bleu, on ne le regarde pas beaucoup. Les enfants attendent plutôt Mickey, toujours joyeux sur son masque de carton.
J'imagine que derrière le masque, souriant, heureux, excessif, exaspérant, terrifiant... Le comédien pleure. Il ne peut plus les voir ces sales mioches trop gâtés, qui le suivent de partout comme des chiens à qui on aurait oublié de donner à manger. Mais ce n'est que mon imagination. Peut-être qu'il aime son boulot. Ce n'est pas le cas de blanche-neige. Je me baladais tranquillement en égrenant mes sarcasmes quand la belle déboula portant le visage puéril de la princesse qui fait faire son ménage par des oiseaux. Elle dansa jusqu'à la porte des employés, repoussa les gamins qui la suivaient, ouvrit cette porte et disparut fumer sa clope. Merde, j'ai pas eu le temps de lui demander un autographe, quel dommage.